Ce n’est pas rien de dire je veux.
Une porte s’entrouvre, qui était restée fermée.
On a juste à la pousser, juste assez
pour qu’elle s’ouvre à peine plus grand,
juste ce qu’il faut pour pouvoir passer.
C’est un long couloir derrière la porte,
sombre et droit. On avance dans le couloir,
on avance entre deux terres, entre deux mers,
le couloir n’existe que parce qu’on le traverse.
il se traverse comme une pierre se laisse épouser par le courant,
un courant épais, lent, irréversible.
On se laisse pétrir par la masse intangible du réel,
le réel d’une trace vive, forgée par le temps.
Il est une douleur qui vient de loin,
dans les méandres d’une histoire qui,
au fil du temps, a tissé son empreinte dans les sillons de la mémoire,
a stagné son eau dans le vaisseau de notre rivière, à l’intérieur.
On avance avec ça, et ça se réveille,
dans les remous d’une rencontre,
le battant d’une parole,
le manque de ce qui est encore à naître.
On a mal aux os, dans le dos.
Il y a quelque chose qui parle dans la peau,
un je de lumière qui cherche une traverse,
un rai de coeur en quête d’un lopin de terre
où le grain cède, où le germe ne meurt pas.
C’est un long couloir derrière la porte, sombre et droit,
au moins dans les premiers pas.
Alors, on avance à tâtons, non pas parce qu’il fait sombre,
d’ailleurs, il ne fait pas si sombre que ça.
On se sent mieux quand il y a un sens, quand on va vers,
même si c’est sombre, presque pas,
ça fait du bien de faire le pas.
Ce n’est pas rien de dire je veux.
C’est comme si la parole faisait le pas,
comme si la porte était déjà derrière soi.
Charlotte Havret